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Une enfance presque la mienne


Hiver 1976, Roumanie. Elle était assise sur le canapé sous la fenêtre, avec sa tête renversée. Elle jouait le “voyage au ciel passant par les flocons des neiges.” On doit avoir des grands flocons pour ça. Elle les regardait comme ils tombaient, et après un temps il paraît que ce n’est plus les flocons qui tombaient, mais c’était elle qui prenait son vol là-haut. Ses grands yeux bruns étaient écarquillés, brûlant dans la fièvre de la beauté de l’expérience. Son visage, encadré dans les soieries fluentes de ses longs cheveux bruns, rayonnait d’une joie profonde.

Quand sa mère est rentrée, le charme a dissipé, et elle redevenait la fille de neuf ans qui est curieuse d’apprendre si on a quelque chose d’intéressant pour elle dans le cabas. Jetant le cri, “Viens, Vackor ! Voyons ce qu’elle a acheté !” elle saisit le chat étendu à côté d’elle et s’élance à la cuisine.

Un peu plus tard, elle se retournait dans sa chambre, mangeant un chocolat, et elle se mettait à lire un roman. Il y a des gens qui sont surpris de la voir lire des romans, mais quand ils promènent leurs regards autour de l’appartement, ils aperçoivent que la surprise serait si elle ne lisait pas : tous les murs sont couverts des étagères de bibliothèque. Au commencement, elle feuilletait les livres parce-qu’elle aimait leur senteur et les illustrations, mais après qu’elle a appris à lire, elle commençait d’avaler les informations qu’ils contiennent. Maintenant, les livres sont ses moyens principaux de s’amuser.

À ce moment, elle a trouvé quelque chose d’intéressant dans le livre, donc elle s’est tournée vers Teddy, l’ours en peluche gris avec des yeux d’une orange chaude. Après avoir une bonne conversation avec l’ours, ils s’en vont à une sortie champêtre. La peinture de muraille au-dessus du lit représente un pâturage dans les montagnes, avec la cabane de berger au fond. Ils vont là. L’air est vif et clair, l’arôme de sapin assoupissant. Ils se promènent d’une fleur à l’autre, s’arrêtant de temps en temps pour sentir leur parfum. Il paraît que les agnelets font la même chose....

Le temps s’arrête aussi, et mets deux reines-marguerites sur les yeux fermés de Léa. 


***
Cette histoire est importante pour moi parce qu’elle me rappelle un temps quand je savais rêver ; un temps quand la beauté de la nature me faisait oublier tous mes soucis, toutes mes douleurs, et toute ma solitude. Vous voyez, si je pouvais être Léa à ces jours, il ne serait pas un problème si je vis dans une cave et si je n’ai pas des amis pour m’accompagner, je pourrais m’échapper de ma vie prosaïque en entrant dans une peinture.


(2000)

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